Accueil de réfugiés ukrainiens

Marie-Odile et Bruno Dubé, jeunes retraités de 62 ans, habitent aux Achards. Depuis le dimanche 6 mars, ils accueillent chez eux Ruslana, 35 ans, et le plus jeune de ses fils, Hlib, 6 ans. Iryna, 62 ans, la grand-mère, est hébergée avec Kyrylo (le grand frère de Hlib), 9 ans, chez une autre famille (à 800 m à pied du domicile des Dubé). 2 semaines et ½ après l’arrivée des Ukrainiens chez eux, Marie-Odile et Bruno nous livrent en toute simplicité leur témoignage pour Vent des familles express

Vent des familles express : Quel est votre lien avec l’Ukraine ? Êtes-vous déjà allés là-bas ?

Bruno : Non, jamais. Mais nous avons accueilli à plusieurs reprises, pendant des vacances scolaires, des Ukrainiens en lien avec l’école de danse de Lviv. La troupe venait se produire en France et l’argent récolté servait à venir en aide à l’hôpital pédiatrique là-bas, ainsi qu’à la maison de retraite et à des orphelinats.

Marie-Odile : On fait partie de l’association Vendée-Ukraine (qui compte environ 150 membres) depuis sa création en 2003.

Vent des familles express : Imaginiez-vous que Vladimir Poutine allait envahir l’Ukraine ?

Bruno : On se disait que c’était possible… mais non. On ne pensait pas, non, que cela allait arriver. On vit une période complètement surréaliste. Le déclenchement des opérations spéciales russes a débuté le jeudi 24 février et 48h après, en tant qu’adhérents de l’association Vendée-Ukraine, nous avons reçu un mail : « Seriez-vous prêts à accueillir des réfugiés chez vous ? ». C’est moi qui l’ai ouvert et j’ai dit à Marie-Odile : « Qu’est-ce qu’on fait ? ».

Marie-Odile : Est-ce qu’on avait le choix de dire non ? Nous sommes jeunes retraités, disponibles, avec une maison qui permet d’accueillir. La réponse s’imposait d’elle-même. Ce que l’on fait, c’est une goutte d’eau dans l’océan. On a reçu le mail le samedi matin. On a dû réfléchir 2 mn seulement avant de se décider ! Le samedi soir et le dimanche, on recevait nos 4 enfants et nos 12 petits-enfants. On leur a dit qu’on venait de se proposer pour accueillir des Ukrainiens. On savait que ça aurait peut-être un impact sur la famille, mais comme nous aurions regretté d’avoir dit non !

Bruno : Le président de Vendée-Ukraine a été très clair avec toutes les personnes qui se portaient volontaires pour héberger des Ukrainiens en leur disant que c’était un engagement qui allait certainement s’échelonner sur plusieurs mois. Il nous laissait le week-end pour bien y réfléchir avant de confirmer notre réponse le lundi…

Marie-Odile : On savait que l’accueil allait être pour une durée indéterminée… On imaginait pour 5 ou 6 mois…

Vent des familles express : Votre famille a tout de suite compris votre choix ?

Marie-Odile : Oui, nos enfants et nos petits-enfants, c’est important de le souligner, nous ont dit qu’ils étaient fiers de notre engagement ! Donc si un doute avait encore subsisté, il se serait aussitôt envolé !

Vent des familles express : Comment avez-vous vécu l’arrivée des Ukrainiens ?

Bruno : Le vendredi 4 mars, nous avons fait le grand ménage et le tri dans notre sous-sol pour leur réserver une pièce, uniquement pour eux, où ils pourraient par exemple accrocher ce qu’ils voudraient aux murs.

Marie-Odile : Dans la nuit du samedi au dimanche, nous n’avons pas beaucoup dormi. Nous étions en avance de 3/4h à attendre le car à St-Gilles-Croix-de-Vie. Quand les Ukrainiens sont arrivés et sont sortis du bus, l’image qui nous a marqués, c’est celle d’une femme qu’on aurait dit transparente tellement elle était livide… Et cet hymne ukrainien que les femmes et les enfants ont chanté à la sortie du car nous a bouleversés !

Vent des familles express : Et votre premier contact avec Ruslana ?

Marie-Odile : Quand je l’ai vue, je lui ai demandé tout de suite « Do you speak english ? ». Elle m’a répondu « Yes », et là, j’ai poussé un « Ouf » de soulagement car je me suis dit qu’on allait pouvoir communiquer assez facilement.

Vent des familles express : Comment s’est passée l’installation chez vous ?

Bruno : Très bien. Les choses se sont faites assez naturellement en fait. Nous partageons la salle de bains, les toilettes, etc. Nous prenons les repas ensemble. Ruslana continue à travailler, avec son ordinateur qu’elle a embarqué avec elle, pour son entreprise basée en Ukraine en lien avec l’international.

Marie-Odile : Ruslana ne veut pas être assistée. Elle participe aux tâches ménagères, aide à mettre le couvert, à serpiller, etc. Mais elle a ressenti un coup de blues le week-end dernier. Son mari, son père et son frère sont restés en Ukraine, ils sont dans la logistique, ils aident les gens qui veulent partir à l’étranger. Je suis allée il y a quelques jours avec Ruslana à la Préfecture afin de l’accompagner dans les démarches pour obtenir un titre de séjour… Et là, elle a réalisé qu’elle ne serait pas en France que pour 3 semaines…

Vent des familles express : Et les enfants ?

Marie-Odile : Ruslana et sa mère ont visité l’École de la Source à la Chapelle-Achard. Une immersion progressive s’est mise en place avec le corps enseignant pour les deux garçons : Hlib en grande section et Kyrylo en CE2. Depuis le lundi 21 mars, ils y sont scolarisés toute la journée. On les récupère seulement pour les repas du midi. L’objectif pour eux, c’est la socialisation et l’apprentissage du français.

Vent des familles express : Que vous disent Ruslana et Iryna ?

Bruno : Que la réalité est pire que les informations que l’on voit et qu’il faut se méfier de la manipulation… Qu’elles veulent repartir le plus vite possible dans leur pays…

Vent des familles express : Et comment avez-vous présenté Ruslana et sa famille à la vôtre ?

Marie-Odile : Au fur et à mesure, car nous sommes nombreux ! Nos petits-enfants se sont servis de traducteurs sur leurs smartphones pour communiquer et jouer avec Kyrylo et Hlib. Ça donne du concret à l’évènement pour eux. Les réfugiés ukrainiens, ce ne sont pas que des gens qu’on voit derrière un écran de télé !

Vent des familles express : Les enfants s’adaptent-ils vite à leur nouvel environnement ?

Marie-Odile : Kyrylo dort une nuit sur deux chez nous avec sa maman et son frère. C’est important pour l’enfant, la fratrie et la maman. Et nous nous arrangeons avec l’autre famille d’accueil de la Chapelle-Achard pour qu’ils se retrouvent tous les quatre le plus souvent possible.

Bruno : Quand je fermais les volets le soir, au début, Kyrylo me disait en anglais « Ta maison est en sécurité ». Je lui répondais « Oui par rapport au froid ». Kyrylo continuait « Non, par rapport aux bombes ». Alors, il a fallu que je lui explique que les soldats russes ne viendraient pas jusqu’ici…

Vent des familles express : Quel bilan tirez-vous de ces premières semaines ?

Marie-Odile et Bruno : Au niveau humain, c’est très positif. Quel courage ont ces femmes ukrainiennes, comme elles sont battantes ! Dans la durée, il va néanmoins falloir que toutes les familles qui accueillent tiennent le coup et que les Ukrainiens réussissent à garder le moral. Il faut saluer aussi une vraie solidarité de proximité qui se met en place localement : de la coiffeuse qui propose de couper gracieusement les cheveux de Ruslana, Iryna, Kyrylo, Hlib, au voisin qui part par exemple acheter des chaussures pour l’un des enfants qui n’en a plus de la bonne pointure… Des personnes des Achards que nous ne connaissions pas sont même venus à notre rencontre, nous ne nous sentons donc pas isolés, voire plutôt bien entourés !

 Contact Association Vendée-Ukraine : bernard.guerit@orange.fr.

Propos recueillis le 24 mars 2022